Atelier 2012-2014
L’État en Amérique Latine: transformations, recompositions et redéploiements
Idéalisé comme l’apparente
incarnation d’un nouveau modèle de gouvernance « post-néolibéral » (Grugel & Riggirozzi, 2012), ou décrié pour
sa dépendance à une économie extractive (Hogenboom, 2009) et aux intérêts d’une
nouvelle élite politique jugée peu regardante des « impératifs démocratiques »
(souvent dénoncée par ses pratiques « populistes »),
l’Etat en Amérique Latine suscite beaucoup de débat parmi ceux soucieux
d’interpréter ses transformations actuelles. Tant dans les milieux académiques que
dans les champs politiques et médiatiques, les avis s’opposent quant à la
performance des institutions étatiques et le niveau de « consolidation
démocratique » dans la région. En effet, au cours de cette dernière
décennie la plupart des pays d’Amérique Latine ont traversé une période marquée
(à différents degrés) par une restructuration des champs politiques locaux avec
l’arrivée des partis de gauche au pouvoir, et une reformulation de la structure
institutionnelle étatique. Les cas du Venezuela, de la Bolivie et de l’Equateur
semblent les plus exemplaires à cet égard à la suite de processus de réforme
constitutionnelle.
L’objet de l’Etat en Amérique
latine a été notamment investi par la recherche américaine, tandis que la
recherche latino-américaine commence à se démarquer et que la recherche française
demeure encore assez timide avec quelques exceptions (Dezalay & Garth, 2002 ;
Dabène, 2012). Les travaux académiques américains ont largement contribué à diffuser deux approches qui ont
traditionnellement dominé cet objet d’étude. D’une part, l’Etat est analysé au prisme
de sa transition et de sa consolidation démocratique (Linz & Stepan
1978 ; O’Donnell & Schmitter 1986 ; Huntington, 1991 ; Przeworski, 2005).
Dans le prolongement de cette approche, il est question principalement
d’examiner, comparer voire mesurer la qualité démocratique (PNUD, 2005) à
partir d’indicateurs présentés comme « objectifs » à savoir la participation citoyenne (débat entre
démocratie participative et populisme), les libertés publiques (les médias) et
la reconnaissance des droits (droits de l’environnement, droits des populations
ancestrales), la concentration des pouvoirs (nouveaux mécanismes d’équilibre
institutionnel vs. présidentialisme). D’autre part, l’Etat est appréhendé par
le prisme de son économie politique (« Political
economy analysis ») : il s’agit ici d’étudier les interactions
entre les processus économiques et politiques dans un contexte social
déterminé, la distribution des pouvoirs et des richesses entre les différents
acteurs impliqués ainsi que les processus permettant la création, le maintien
et/ou la transformation de ces relations. Dans cette perspective, une place
importante est accordée aux « intérêts » (« incentives ») des acteurs en lice et aux mécanismes
déterminant leurs choix d’action (« rational-choice » ; « game theory »). De plus, les
politiques économiques seront évaluées par leur « performance ».
Toutefois, la recherche sur
l’Etat en Amérique latine tend vers une routinisation, d’une part, méthodologique (prédominance de méthodes
quantitatives au détriment d’analyses qualitatives appuyées sur l’observation ethnographique,
travail sur archives documentaires et sur entretien) et d’autre part conceptuelle
avec une application systématique de schèmes d’explication ou de catégories
d’analyse (« modernization»,
« democratic consolidation », « regime breakdown »). Par
ailleurs, l’introduction de nouveaux schèmes conceptuels ne s’accompagne pas
forcément d’une discussion théorique créant seulement des labels pour
caractériser un Etat à un moment donné de sa quête de développement. On pense
ici, par exemple, aux travaux sur l’émergence d’un « Etat
post-néolibéral » en Amérique latine - (Kennemore & Weeks, 2011). Ceci traduit une certaine forme de tâtonnement
théorique parmi les chercheurs mais également parmi certains experts de think-tank
américains ou d’organismes internationaux qui tentent d’appréhender ces
nouvelles réalités non sans considérations normatives.
L'atelier du GELS* 2012-2014 aura
donc pour thème « l’Etat en Amérique latine, entre
transformations, recompositions et redéploiements ». Faisant échos aux
débats contemporains et dans un souci d’enrichissement de la réflexion
française sur ce thème, l’atelier aura pour objectif de confronter les
différents modes d’analyses de l’Etat aux réalités latino-américaines mais
également de pousser la réflexion en mobilisant en particulier des catégories
et des méthodologies d’analyses propres à la sociologie politique française. Il
sera question d’appréhender ce thème sous trois axes principaux :
- Penser
l’Etat à partir de ses institutions ;
- Les
rapports des citoyens à l’Etat et aux acteurs qui l’incarnent (avec un
intérêt sur la politisation et la réappropriation du politique) ;
- L’exportation et l’importation de pratiques d’Etats de et vers l’international.
*Le GELS est un atelier autogéré de doctorants de l'Université Panthéon-Sorbonne Paris 1 et ouvert à tous. Cette année, le calendrier des séances régulières (présentations/discussion
des travaux doctoraux en cours) sera enrichi par des conférences
exceptionnelles d’intervenants extérieurs. Les détails de chaque séance seront
communiqués sur ce blog ainsi que sur nos listes de diffusions (pour
s’inscrire, contacter gels.sorbonne@gmail.com).
Références indicatives
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