Idéalisé comme l’apparente incarnation
d’un nouveau modèle de gouvernance « post-néolibéral » (Grugel
& Riggirozzi, 2012), ou décrié pour sa dépendance à une économie extractive
(Hogenboom, 2009) et aux intérêts d’une nouvelle élite politique jugée peu
regardante des « impératifs démocratiques » (souvent
dénoncée par ses pratiques « populistes »), l’Etat en Amérique
Latine suscite beaucoup de débat parmi ceux soucieux d’interpréter ses
transformations actuelles. Tant dans les milieux académiques que dans les
champs politiques et médiatiques, les avis s’opposent quant à la performance
des institutions étatiques et le niveau de « consolidation
démocratique » dans la région. En effet, au cours de cette dernière
décennie la plupart des pays d’Amérique Latine ont traversé une période marquée
(à différents degrés) par une restructuration des champs politiques locaux avec
l’arrivée des partis de gauche au pouvoir, et une reformulation de la structure
institutionnelle étatique. Les cas du Venezuela, de la Bolivie et de l’Equateur
semblent les plus exemplaires à cet égard à la suite de processus de réforme
constitutionnelle.
L’objet de l’Etat en Amérique latine a été
notamment investi par la recherche américaine, tandis que la recherche
latino-américaine commence à se démarquer et que la recherche française demeure
encore assez timide avec quelques exceptions (Dezalay & Garth, 2002 ;
Dabène, 2012). Les travaux académiques américains ont largement contribué
à diffuser deux approches qui ont traditionnellement dominé cet objet d’étude.
D’une part, l’Etat est analysé au prisme de sa transition et de sa
consolidation démocratique (Linz & Stepan 1978 ; O’Donnell &
Schmitter 1986 ; Huntington, 1991 ; Przeworski, 2005). Dans le
prolongement de cette approche, il est question principalement d’examiner,
comparer voire mesurer la qualité démocratique (PNUD, 2005) à partir
d’indicateurs présentés comme « objectifs » à savoir la
participation citoyenne (débat entre démocratie participative et populisme),
les libertés publiques (les médias) et la reconnaissance des droits (droits de
l’environnement, droits des populations ancestrales), la concentration des
pouvoirs (nouveaux mécanismes d’équilibre institutionnel vs. présidentialisme).
D’autre part, l’Etat est appréhendé par le prisme de son économie politique
(« Political economy analysis ») : il s’agit ici
d’étudier les interactions entre les processus économiques et politiques dans
un contexte social déterminé, la distribution des pouvoirs et des richesses
entre les différents acteurs impliqués ainsi que les processus permettant la
création, le maintien et/ou la transformation de ces relations. Dans cette
perspective, une place importante est accordée aux « intérêts »
(« incentives ») des acteurs en lice et aux mécanismes
déterminant leurs choix d’action (« rational-choice » ;
« game theory »). De plus, les politiques économiques seront
évaluées par leur « performance ».
Toutefois, la recherche sur l’Etat en
Amérique latine tend vers une routinisation, d’une part, méthodologique
(prédominance de méthodes quantitatives au détriment d’analyses qualitatives
appuyées sur l’observation ethnographique, travail sur archives documentaires
et sur entretien) et d’autre part conceptuelle avec une application
systématique de schèmes d’explication ou de catégories d’analyse (« modernization»,
« democratic consolidation », « regime breakdown »).
Par ailleurs, l’introduction de nouveaux schèmes conceptuels ne s’accompagne
pas forcément d’une discussion théorique créant seulement des labels pour
caractériser un Etat à un moment donné de sa quête de développement. On pense
ici, par exemple, aux travaux sur l’émergence d’un « Etat
post-néolibéral » en Amérique latine - (Kennemore & Weeks, 2011).
Ceci traduit une certaine forme de tâtonnement théorique parmi les
chercheurs mais également parmi certains experts de think-tank américains ou
d’organismes internationaux qui tentent d’appréhender ces nouvelles réalités
non sans considérations normatives.
L'atelier du GELS* de cette année aura
donc pour thème « l’Etat en Amérique latine, entre
transformations, recompositions et redéploiements ». Faisant échos aux
débats contemporains et dans un souci d’enrichissement de la réflexion
française sur ce thème, l’atelier aura pour objectif de confronter les
différents modes d’analyses de l’Etat aux réalités latino-américaines mais
également de pousser la réflexion en mobilisant en particulier des catégories
et des méthodologies d’analyses propres à la sociologie politique française. Il
sera question d’appréhender ce thème sous trois axes principaux :
- Penser l’Etat à partir de ses institutions ;
- Les rapports des citoyens à l’Etat et aux acteurs
qui l’incarnent (avec un intérêt sur la politisation et la réappropriation
du politique) ;
- L’exportation et l’importation de pratiques
d’Etats de et vers l’international
!!! Pour accéder aux références indicatives,
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